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Santé populationnelle : agir avant de devoir guérir

Richard, 65 ans, vit seul et est atteint de diabète, une maladie chronique qui touchait 720 000 personnes au Québec en 2023-2024, selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Il vient d’apprendre que l’intervention chirurgicale au cœur qu’il devait subir cette semaine est de nouveau reportée en raison d’un manque de personnel. Pour compliquer les choses, son médecin de famille a récemment pris sa retraite. Il se heurte donc à de nombreux obstacles pour accéder aux soins dont il a besoin. Pourtant, il a le sentiment que le gouvernement augmente les dépenses dans le système de santé. Alors, il se demande : pourquoi sa situation ne s’améliore-t-elle pas?

 

En fait, Richard ne connaît peut-être pas l’ampleur des défis auxquels fait face le système de santé : pénurie de main-d’œuvre, accès difficile aux soins, vieillissement de la population. Ces défis vont bien au-delà de la part des budgets réservée à la santé. De plus, on ne peut pas relever ces défis en augmentant seulement les dépenses dans ce domaine. 


Comment, alors, peut-on bâtir un système de santé plus efficace, équitable et viable dans le temps? En agissant avant que les problèmes de santé ne surviennent, sur des éléments qui influencent l’état de santé des gens. C’est ce que propose l’approche de santé populationnelle, qui guide le Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE) dans ses recommandations pour améliorer la performance du système de santé.

 

Qu’est-ce qu’une « approche de santé populationnelle »?

C’est à la fois une façon d’organiser les soins et les services de santé et de voir autrement les rôles de chacun dans la prise en charge de la santé d’une communauté. Plus concrètement, cette approche souligne que la responsabilité de maintenir et d’améliorer la santé et le bien-être d’une population entière est partagée entre tous les acteurs d’un territoire donné, c’est-à-dire les professionnels de la santé, mais aussi les secteurs municipaux, les milieux de l’éducation ou de l’emploi, et même les citoyens.


On entend par là :

  • de tenir compte des besoins de santé et de bien-être de l’ensemble de la population pour offrir des soins et services, qu’ils soient exprimés directement (ex. : soigner une blessure) ou non exprimés (ex. : une personne âgée sans réseau social);
  • de s’assurer que les professionnels de tous les secteurs de la santé – qu’il s’agisse des urgences, des médecins de famille ou de la santé publique – collaborent étroitement pour assurer des soins accessibles et bien coordonnés;
  • d’adapter les soins et services de santé offerts selon les particularités et les besoins précis de la population qui vit sur un territoire déterminé. Par exemple, si la collecte de données montre qu’une certaine région comporte davantage de fumeurs que les autres, les acteurs de santé locaux peuvent mettre sur pied des campagnes d’information ciblées pour l’arrêt du tabagisme ou augmenter le nombre de dépistages effectués pour le cancer du poumon, notamment.

L’approche de santé populationnelle s’applique à tous les niveaux de soins et de services de santé, dont la promotion et la prévention, la médecine familiale, la réadaptation et les soins palliatifs. 

 

La promotion et la prévention en santé comprennent, par exemple, la vaccination des ainés, les mammographies pour prévenir le cancer du sein ou les campagnes de sensibilisation pour encourager la population à arrêter de fumer.

Prendre soin de la population, au-delà des soins médicaux

L’approche de santé populationnelle ne se limite pas à s’occuper des personnes déjà malades. Elle vise aussi à agir de façon plus large, en tenant compte des facteurs personnels, sociaux, économiques ou environnementaux qui influencent la santé et le bien-être de la population (ou déterminants de santé).


Par exemple, une personne peut être plus à risque de développer des problèmes de santé selon : 

  • son niveau de revenu;
  • son type d’emploi;
  • la qualité de l’air ou de l’eau de sa région;
  • l’existence (ou non) d’un réseau de soutien social;
  • ses prédispositions génétiques et biologiques;
  • ses habitudes de vie, comme l’alimentation ou l’activité physique.

En agissant sur ces facteurs et en tentant de limiter leurs impacts sur une personne, on peut prévenir certains problèmes de santé avant qu’ils ne surviennent, et ainsi réduire le recours aux services de santé. Pour pouvoir agir, toutefois, il faut allouer plus de ressources à la prévention et à la promotion de la santé. Il faut aussi une meilleure collaboration avec des personnes provenant d’autres secteurs, comme l’éducation, l’emploi, l’habitation et les services sociaux. 


Cette approche permet également de diminuer les inégalités et de favoriser l’équité en santé dans la population. Par exemple, une personne ayant un revenu plus faible peut rencontrer plus d’obstacles pour accéder à des soins ou à des services de prévention ou de réadaptation de qualité. 


Certaines personnes n’ont pas le loisir de se déplacer facilement (pas d’accès à une automobile ou à des transports en commun). Cela peut devenir plus difficile pour elles de se rendre à un centre de vaccination pour recevoir un vaccin ou à un établissement de santé pour obtenir un soin dont elles ont besoin.  

 

Qu’est-ce que ça veut dire pour quelqu’un comme Richard?

 

Imaginons un instant ce qui pourrait être fait pour Richard si on adoptait une approche de santé populationnelle. 


Par exemple, dans la région où habite Richard, on aurait mis en place un programme qui cible les personnes âgées vivant seules et ayant des maladies chroniques, comme le diabète ou des problèmes cardiaques. On y trouverait des infirmières, des nutritionnistes et des intervenants communautaires, qui travailleraient tous ensemble pour aider Richard. Grâce à eux, Richard aurait été contacté avant même que ses problèmes ne s’aggravent. On lui aurait offert rapidement un suivi à domicile, un plan de soins personnalisé et de l’aide pour se réinscrire auprès d’un groupe de médecins.


Quand on peut ainsi agir sur les sources des problèmes de santé, on améliore non seulement la qualité de vie des personnes comme Richard, mais on évite aussi que les personnes obtiennent des soins et des services uniquement lorsque les problèmes deviennent plus graves et complexes à soigner. On réduit ainsi la pression sur le système de santé : moins d’hospitalisations, moins d’interventions en urgence et une utilisation plus efficace des ressources humaines et matérielles disponibles.
 

L’approche de santé populationnelle, est-ce nouveau?

Le Québec fait partie des premiers pays et États qui ont mis de l’avant une approche de santé populationnelle. Le gouvernement du Québec a inscrit ce concept au cœur de la loi de 2003, qui proposait une réforme du système de santé et de services sociaux. La réforme visait à fusionner les centres locaux de services communautaires (CLSC), les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) et les centres hospitaliers. On créait ainsi les centres de santé et de services sociaux (CSSS ou C3S) et les réseaux locaux de services. Ainsi, la responsabilité de la santé de la population relevait maintenant de ces organisations. 

 

Toutefois, avec du recul, le ministère de la Santé et des Services sociaux a reconnu ne pas avoir mis en place le soutien nécessaire pour aider les acteurs à adopter cette approche. En effet, les établissements de santé et de services sociaux n’avaient pas une marge de manœuvre et une autonomie assez grandes pour mettre sur pied des initiatives de santé populationnelle qui répondaient aux besoins de la population locale. Malgré tout, certaines régions ont pu mettre sur pied des projets qui s’alignaient avec cette approche.

 

La santé populationnelle, une responsabilité commune

La santé populationnelle est une approche, une lunette avec laquelle le CSBE analyse le système de santé et de services sociaux du Québec, puis formule des recommandations. Le CSBE croit que c’est la meilleure façon pour le système de santé de prendre en charge la santé et le bien-être de la population et d’améliorer la performance du système. Restez à l’affût de nos projets à venir pour en savoir davantage sur l’approche de santé populationnelle et ses retombées potentielles pour la population.

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