La performance du système de soins et services aux ainés en CHSLD Rapport d'appréciation 2022

Mot de la commissaire

En janvier dernier, nous avons publié Le devoir de faire autrement en réponse au mandat que nous avait confié le gouvernement du Québec pour évaluer la performance des soins et services aux ainés dans le contexte de la gestion de la première vague de la pandémie de COVID-19. Les données obtenues dans la foulée de ce mandat nous permettent aujourd’hui de vous présenter un portrait de la performance qui prévalait en CHSLD avant l’entrée en pandémie. Malgré les limites des données disponibles, notamment sur les résultats qui sont importants pour la population, nous avons retenu 71 indicateurs permettant de mettre à l’épreuve notre cadre d’évaluation axé sur la valeur et de mesurer une majorité de ses dimensions afin d’apprécier la performance de ce secteur du système de santé et de services sociaux.

Ce rapport provincial fournit des informations inédites sur la performance en CHSLD dans l’ensemble du Québec et met en lumière les variations importantes qui existent entre ses différents territoires. Notre approche analytique permet de rendre compte de ces disparités et de faciliter l’interprétation des variations relevées entre territoires selon des mesures comparables. Nous souhaitons ainsi que notre analyse témoigne le plus possible des différentes réalités vécues par les citoyennes et citoyens vivant en CHSLD.

J’espère, bien humblement, que cette publication puisse contribuer à alimenter la réflexion déjà engagée sur l’hébergement au Québec et aider les décideurs et acteurs de ce secteur à identifier des cibles d’amélioration qui répondent concrètement aux besoins des Québécois.

Finalement, mon équipe et moi tenons à dédier ce rapport aux personnes qui vivent en CHSLD dans des conditions qui, encore trop souvent, laissent à désirer.


Joanne Castonguay
Commissaire à la santé et au bien-être

Messages clés

  • Le CSBE a effectué une évaluation de la performance des CHSLD en mettant à l’épreuve, pour la première fois, son cadre d’appréciation axé sur la valeur qui vise à mesurer les résultats qui sont importants pour la population en fonction des ressources consenties pour les atteindre.
  • Les différentes dimensions du cadre d’évaluation de la performance du CSBE ont été évaluées en adoptant une approche comparative permettant de positionner chaque territoire (RTS) par rapport à une valeur de référence ou balise, laquelle est établie comme le niveau d’excellence à atteindre.
  • Le Québec, malgré des besoins en soins de longue durée parmi les plus élevés au Canada, est la province ayant le moins de lits pour les soins de longue durée relativement à sa population.
  • Avant l’entrée en pandémie, l’intensité ainsi que la pertinence des soins et services présentent des niveaux d’atteinte de la balise de bons à excellents dans l’ensemble du Québec ainsi que dans la majorité des RTS.
  • Par ailleurs, un grand nombre de dimensions laissent place à l’amélioration avec des scores passables ou faibles – c’est le cas de l’arrimage aux besoins des usagers, de l’accessibilité, de la continuité et la coordination, de la viabilité, de la qualité générale, des soins axés sur les personnes et de la sécurité.
  • Il existe de grandes disparités dans la performance observée entre les différents territoires – certains réussissent à bien se positionner par rapport aux balises établies, mais une grande majorité n’y arrive pas.
  • À ressources égales, il existe d’importantes variations territoriales dans l’atteinte des résultats pour les résidents des CHSLD.
  • Un niveau plus élevé de ressources financières n’est pas associé à une meilleure performance.
  • Durant la pandémie, on a observé un rehaussement considérable des ressources financières en CHSLD à la disposition de tous les établissements du Québec, indépendamment de la façon dont ils ont été touchés par la COVID-19; ce rehaussement ne s’est toutefois pas traduit par un accroissement de la même ampleur au regard des ressources humaines, de la qualité de vie au travail et de l’accessibilité aux soins et services.

Liste des abréviations

CHSLD : centre d’hébergement et de soins de longue durée
ETC : équivalent temps complet
LCSBE : Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être
MOI : main-d’œuvre indépendante
PAB : préposé.e aux bénéficiaires
RI : ressource intermédiaire
RPA : résidence privée pour ainés
RTF : ressource de type familial
RTS : réseau territorial de services

Introduction

En août 2020, le Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE) s’est vu confier par décret un mandat spécial (décret 861-2020, 19 août 2020) pour faire la lumière sur les enjeux soulevés par la gestion de la crise sanitaire liée à la COVID-19, notamment pour les personnes âgées hébergées en RPA, en RI, en RTF ou en CHSLD. Dans le cadre de ce mandat, le CSBE a publié, le 19 janvier 2022, le rapport Le devoir de faire autrement qui a mis en lumière plusieurs enjeux propres au secteur de l’hébergement et, plus largement, à la gouvernance du système de santé et de services sociaux. Le présent rapport d’appréciation de la performance du secteur des soins et services aux personnes âgées hébergées présente une analyse plus approfondie du secteur de l’hébergement ainsi que des variations observables entre les territoires du Québec. Étant donné la très faible quantité de données médico-administratives disponibles sur les RPA et les RI-RTF, précisons que ce projet porte exclusivement sur les soins de santé et services offerts aux ainés en CHSLD.

Le CSBE, du fait de sa loi constitutive (LCSBE, chapitre C-32 1.1), est responsable d’apprécier les résultats atteints par le système de santé et services sociaux en prenant en compte l’ensemble des éléments systémiques interactifs de ce dernier et de fournir à la population les éléments nécessaires à une compréhension globale des actions entreprises par le gouvernement à l’égard des grands enjeux dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Les objectifs généraux du projet sont les suivants :

  1. Apprécier la performance du système des soins et services aux personnes âgées résidant en CHSLD en s’appuyant sur le cadre d’évaluation de la performance du CSBE.
  2. Mesurer les dimensions proposées par ce cadre d’évaluation à l’échelle du Québec et de ses RTS quant aux soins de santé et services dispensés aux personnes âgées hébergées en CHSLD au moment d’entrer dans la pandémie (année financière 2019-2020)
  3. Produire une analyse sur la valeur en santé qui met en relation certains résultats jugés importants pour les personnes et les coûts mobilisés pour les produire.
  4. Documenter l’évolution de la performance en CHSLD entre 2015-2016 et la première année de la pandémie (année financière 2020-2021)

Le présent rapport porte sur l’appréciation de la performance des soins et services offerts aux ainés en CHSLD à l’échelle de la province et de ses RTS. Dans un premier temps, le cadre d’évaluation de la performance du CSBE et certains aspects méthodologiques sont brièvement abordés. Ensuite, certains éléments de contexte sont présentés en lien, notamment, avec les besoins en soins de longue durée, les caractéristiques de la clientèle hébergée en CHSLD et l’augmentation de la demande en CHSLD en fonction de la croissance démographique. Dans un troisième chapitre, le rapport propose une évaluation de la performance en CHSLD durant l’année précédant la pandémie, dimension par dimension. Le quatrième chapitre du rapport est consacré à l’analyse de la valeur en CHSLD, et est suivi d’un dernier chapitre qui se penche sur l’impact de la pandémie sur la performance en CHSLD.

Aspects méthodologiques en bref

Le cadre d’évaluation de la performance du CSBE

Le CSBE a élaboré un cadre d’évaluation de la performance axé sur la valeur; ce dernier a été utilisé pour apprécier la performance du secteur de l’hébergement au Québec et son évolution de 2015-2016 à 2020-2021 (figure 1).

Le cadre du CSBE propose d’évaluer la performance du système de santé et de services sociaux en fonction de cinq composantes tout en tenant compte du contexte dans lequel ce système s’insère. La première composante du cadre concerne la population à l’étude et ses besoins, la deuxième, les structures et les ressources du système, la troisième, les services et les processus, la quatrième, les résultats du système et la cinquième, la valeur. À l’exception de cette dernière, chaque composante englobe diverses dimensions et sous-dimensions, lesquelles seront décrites en détail dans la documentation technique accompagnant ce rapport.

Figure 1 Cadre d’évaluation de la performance du CSBE

Évaluation de la performance en CHSLD

Sélection des indicateurs et source de données

Les indicateurs utilisés dans le cadre de ce projet ont été retenus selon divers critères tels que la pertinence, la disponibilité des données, la faisabilité, la validité, la comparabilité, la stabilité de mesure et la sensibilité au changement. C’est d’ailleurs en raison du manque de données disponibles sur les RI-RTF que ce projet s’est concentré exclusivement sur l’analyse de l’hébergement en CHSLD au Québec. Chaque indicateur préalablement identifié a été produit pour les 22 RTS.

Ainsi, 71 indicateurs ont été produits à partir de bases de données médico-administratives et de différentes sources de données accessibles publiquement (près de 20 sources d’information)1.

1Pour plus d’information, consultez le rapport technique.

Encore une fois, en raison de la disponibilité des données, environ 60 % des indicateurs produits portent sur les CHSLD publics, privés conventionnés et privés non conventionnés; les autres indicateurs se rapportent uniquement aux CHSLD publics et privés conventionnés.

Les données utilisées pour l’appréciation de la performance correspondent aux années financières 2015-2016 à 2020-2021.

Types d’indicateurs

Cette appréciation de la performance des soins et services prodigués aux ainés hébergés en CHSLD repose sur les trois types d’indicateurs suivants :

Indicateurs du cadre d’évaluation de la performance : utilisés pour le calcul des résultats agrégés par dimension et sous-dimension (44 indicateurs).

Indicateurs descriptifs : utilisés pour apporter des éléments complémentaires d’analyse (23 indicateurs).

Indicateurs en lien avec la COVID-19 : utilisés pour documenter les répercussions de la pandémie (4 indicateurs).

Comment l’appréciation de la performance est-elle réalisée?

Afin d’apprécier les différentes dimensions pertinentes, les indicateurs du cadre d’évaluation ont été utilisés pour calculer deux types de scores, soit les scores individuels pour chacun des indicateurs et les scores agrégés pour chacune des dimensions et sous-dimensions.

Calcul de scores par indicateur

Afin de faciliter l’interprétation des résultats, un score a été calculé pour chacun des indicateurs du cadre afin de les rapporter sur la même échelle de mesure. Pour ce faire, le score est calculé dans chacun des RTS en mesurant la distance de l’indicateur à une valeur de référence qui a été établie comme balise. Ainsi, un score s’interprète comme le niveau d’atteinte de cette balise. Par exemple, un score de 90 % indique qu’un RTS se situe à 90 % de cette dernière, ce qui est un excellent résultat. Il est à noter qu’une transformation arithmétique linéaire a été appliquée afin d’établir par définition la variation des scores entre 40 et 100. Nous avons adopté cette approche afin de réduire l’influence de valeurs extrêmes et accroître la robustesse de nos analyses.

Les balises utilisées ont été établies à partir de l’une des trois approches suivantes :

  1. Une loi ou une cible ministérielle — Dans les cas où une cible ministérielle ou une loi pouvait s’appliquer, celle-ci a été priorisée.
  2. Une valeur de référence empirique obtenue en calculant la moyenne des trois meilleurs résultats observés durant l’année de référence 2019-2020 parmi l’ensemble des RTS étudiés.
  3. Dans les cas où les deux approches précédentes n’étaient pas applicables, une valeur raisonnée a été établie après consultations avec des experts.
Calcul des scores agrégés par dimension et sous-dimension

Pour synthétiser les informations, les scores des indicateurs ont été pondérés et agrégés de manière à établir un score pour chaque sous-dimension. Le même processus a été appliqué pour les dimensions, c’est-à-dire que les scores des sous-dimensions ont été pondérés et agrégés pour calculer un score global par dimension. On compte ainsi 10 dimensions et 13 sous-dimensions pour lesquelles un score agrégé a été calculé pour l’ensemble du Québec ainsi que pour la plupart des RTS, et ce, à partir de 44 indicateurs.

Le tableau détaillé des indicateurs utilisés pour le calcul des scores agrégés est présenté à l’annexe A.

Interprétation des scores

Pour faciliter l’interprétation des scores, à l’exception de ceux qui touchent aux ressources du système, le niveau d’atteinte de la balise est catégorisé de la façon suivante :

90-100 %

Excellent

75-89 %

Bon

60-74 %

Passable

<60 %

Faible

Pour interpréter les indicateurs en lien avec la dimension des ressources, il ne convient pas d’utiliser les niveaux susmentionnés. En effet, les scores portant sur les ressources, lesquels sont calculés à partir d’une valeur de référence empirique (moyenne des trois RTS ayant le plus de ressources en 2019-2020), doivent plutôt être interprétés comme un niveau relatif de ressources. Par exemple, si un RTS a un niveau relatif de ressources de 60 %, ce dernier dispose de 60 % des ressources des trois RTS du Québec qui en possèdent le plus.

Le tableau suivant résume le nombre d’indicateurs produits dans le cadre du projet selon les types et les balises.

Type d’indicateur

Balise

Nombre d’indicateurs

Indicateurs du cadre d’évaluation de la performance

Raisonnée

22

Empirique

20

Cible ministérielle

2

Descriptifs

s.o.

23

COVID-19

s.o.

4
Forces et limites

Notre approche évaluative par dimension et sous-dimension ne vise pas à analyser chaque indicateur individuellement. Une telle analyse serait à la fois fastidieuse et difficile à communiquer, en plus d’être difficile à interpréter. En effet, chaque indicateur pris isolément n’est qu’un reflet partiel de réalités plus complexes. La prise en considération d’un ensemble plus grand d’indicateurs permet aussi de mieux comprendre la portée des variations relevées et d’avoir une plus grande robustesse dans la mesure et l’analyse.

Par ailleurs, l’analyse d’indicateurs comporte inévitablement des limites sur le plan de la méthode; notre démarche n’en est pas exempte. Les principales limites de ce projet sont la disponibilité des données requises et la qualité de ces dernières. Ces données déterminent le choix des indicateurs, lesquels influencent à leur tour les scores globaux par dimension et sous-dimension. L’attribution de poids relatifs à chacun des indicateurs permet de pallier en partie ce problème en produisant des résultats agrégés plus fidèles à la réalité du système de santé et de services sociaux. Toutefois, rappelons que très peu d’indicateurs portant sur les résultats jugés importants pour les patients ont pu être utilisés, et aucun indicateur sur l’expérience vécue par les usagers n’était disponible. Ces particularités doivent être prises en compte dans l’interprétation de nos résultats.

De plus, notre approche permet de reconnaître les écarts entre les RTS par rapport à ce qui est souhaitable, mais ne permet pas de comprendre les raisons qui expliquent ces écarts. En ce sens, le travail plus pointu d’analyse et d’interprétation des données doit interpeller les acteurs plus près du terrain pour être complet. Enfin, soulignons que plusieurs indicateurs peuvent être influencés par d’autres facteurs qui ne sont pas directement liés à l’action du système de santé et de services sociaux.

1 Contexte

1.1 Demande et offre en soins de longue durée : le Québec comparé

Le Québec produit peu de données sur la demande et l’offre en soins de longue durée qui peuvent être comparées aux données du reste du Canada ou d’autres pays. Cependant, il est possible de comparer la structure d’âge de la population du Québec à celle du Canada ou d’autres pays de l’OCDE ou de comparer le nombre de lits disponibles en soins de longue durée dans les provinces canadiennes. L’analyse de ces informations permet ainsi d’estimer les besoins en soins de longue durée et l’offre de services dans les territoires comparables à ceux du Québec.

En 2020, la proportion de personnes âgées de 80 ans et plus est plus élevée au Québec qu’en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique (4,8 % c. 4,5 %, 3,2 % et 4,6 %, respectivement). De plus, cette proportion arrive au 5e rang des pays de l’OCDE comparés, derrière l’Allemagne, la France, la Suède et le Royaume-Uni (figure 2). Sachant que cette tranche de la population est la plus susceptible d’avoir besoin de soins de longue durée, il est raisonnable d’avancer que les besoins en hébergement au Québec sont parmi les plus élevés au Canada et dans les pays de l’OCDE. Cette affirmation est d’ailleurs cohérente avec les projections effectuées dans une étude parue en 2010 qui estimait que, parmi les 12 pays comparés, le Québec allait connaître, entre 2006 et 2031, la croissance des besoins en soins de longue durée la plus élevée par rapport à la croissance de la population (INSPQ, 2010).

Par ailleurs, un examen du nombre de lits en soins de longue durée au Canada en 2021 révèle que c’est le Québec, par rapport aux autres provinces et territoires, qui aurait le moins de lits par 1 000 habitants de 75 ans et plus (figure 3). Bien que les comparaisons entre provinces méritent d’être interprétées avec prudence étant donné les écarts entre les modèles de prestation de soins, ces informations suggèrent que, malgré des besoins plus élevés, le Québec serait la province ayant le moins de places en soins de longue durée relativement à sa population.

Figure 2 Proportion (%) de la population âgée de 65 ans et plus et 80 ans et plus en 2020, comparaison du Québec avec les provinces canadiennes et les pays de l’OCDE comparables
Source : Données extraites le 23 mars 2022 15:19 UTC (GMT) (stats.oecd.org) Statistique Canada, 2021. Tableau 17-10-0005-01 : Estimations de la population au 1er juillet, par âge et sexe
Figure 3 Nombre de lits de soins de longue durée par 1 000 habitants de 75 ans et plus au Canada (31 mars 2021)*
* Données en date du 31 mars 2021 pour l’ensemble des provinces et territoires, sauf le Québec (1er avril 2021) et l’Alberta (28 février 2021). La décision concernant le nombre de lits de SLD dans une province ou un territoire dépend du modèle de prestation de soins (foyers de SLD, résidences avec services, services à domicile, etc.) de la province ou du territoire; les comparaisons doivent donc être interprétées avec prudence.
Source : Institut canadien d’information sur la santé, 2021. Lits de soins de longue durée au Canada — tableau de données. Statistique Canada, 2021. Tableau 17-10-0005-01 : Estimations de la population au 1er juillet, par âge et sexe.

1.2 Qui sont les résidents en CHSLD?

Au Québec, on estime à environ 58 000 le nombre de personnes qui ont été hébergées dans un CHSLD au cours de l’année précédant la pandémie (2019-2020)2. La majorité de ces personnes étaient âgées de 85 ans et plus (57,4 %); 26,2 % étaient âgées de 75 à 84 ans, 10,7 %, de 65 à 74 ans et 5,7 %, de moins de 65 ans. Cette distribution de l’âge des résidents en CHSLD est demeurée très stable depuis 2015-2016.

2Ce nombre d’usagers est approximatif, car il est tiré de la Base de données du Rapport sur la contribution financière des adultes hébergés (CAH), qui inclut seulement les résidents pour lesquels une contribution a été payée ou a été exonérée, et ne tient pas compte des CHSLD privés non conventionnés dont les lits ne sont pas loués par les établissements de santé.

On note par ailleurs une augmentation de la lourdeur de la clientèle en CHSLD au fil des années. En effet, la proportion des usagers de 65 ans et plus en CHSLD ayant un profil ISO-SMAF lourd est passée de 73 % en 2015-2016 à 76 % en 2019-2020. La proportion de ceux ayant une atteinte mixte, c’est-à-dire à la fois motrice et mentale, est passée de 49 % en 2015-2016 à 57 % en 2019-2020. Un autre indice de l’alourdissement de la clientèle concerne la durée moyenne des séjours en CHSLD; celle-ci a diminué progressivement, passant de 911 jours en 2015-2016 à 823 jours en 2020-2021 dans l’ensemble du Québec (figure 4). Cette réduction de la durée moyenne d’hébergement suggère que les personnes sont admises alors qu’elles présentent un état de santé plus fragile.

En 2019-2020, 75 % des places d’hébergement en CHSLD se trouvaient dans des CHSLD publics alors que 15,5 % et 9,5 % étaient dans les CHSLD privés conventionnés et privés non conventionnés, respectivement.

Les profils ISO-SMAF sont un outil d’aide à la décision qui favorise l’orientation des personnes vers la ressource appropriée pour leurs besoins. Les profils 10 à 14 correspondent aux 5 profils dont l’atteinte de l’autonomie est la plus sévère.

Figure 4 Durée moyenne de séjour en CHSLD pour l’hébergement permanent et transitoire chez les résidents ayant quitté pendant l’année, Ensemble du Québec, 2015-2016 à 2020-2021

1.3 Comment la demande en hébergement en CHSLD a-t-elle évolué par rapport au vieillissement de la population?

Le nombre de nouvelles demandes d’hébergement en CHSLD a augmenté au cours des dernières années, passant de 8 768 en 2015-2016 à 12 003 en 2019-2020 (figure 5). Ce nombre devrait continuer à augmenter au cours des prochaines années, puisque les besoins sont appelés à doubler d’ici 20 ans (Clavet, N.-J., Décarie, Y., Hébert, R., Michaud, P.-C. et Navaux, J. 2021).

Pour évaluer la progression de la demande en hébergement en CHSLD en fonction de l’évolution du vieillissement de la population québécoise, nous avons vérifié si l’augmentation de ces nouvelles demandes entre 2015-2016 et 2019-2020 était proportionnelle à la croissance de la population âgée de 75 ans et plus (figure 6).

Il en ressort que, pour l’ensemble du Québec ainsi que pour 21 des RTS étudiés, les nouvelles demandes en hébergement en CHSLD se sont accrues davantage que la population de 75 ans et plus (37 % comparativement à 15 %). On observe également que les RTS qui ont connu une plus grande croissance de la population âgée de 75 ans et plus ne sont pas nécessairement ceux où le nombre de nouvelles demandes a augmenté le plus. Cette tendance pourrait traduire un alourdissement des besoins de cette population, ou une prise en charge différente de ces besoins selon les territoires.

Figure 5 Nombre de nouvelles demandes d'hébergement des personnes âgées de 65 ans et plus en CHSLD, Ensemble du Québec, 2015-2016 à 2020-2021
Figure 6 Variation des nouvelles demandes d’hébergement en CHSLD et de la population de de 75 ans et plus selon les RTS, entre 2015-2016 et 2019-2020

2 La performance en CHSLD au Québec en 2019-2020

Cette section du document présente l’appréciation de la performance des soins et services offerts aux ainés en CHSLD durant l’année financière 2019-2020, soit l’année précédant la pandémie. Celle-ci est basée sur le cadre d’analyse du CSBE qui, rappelons-le, inclut 5 composantes soit, les besoins de la population, les structures et ressources, les services et processus, les résultats ainsi que la valeur. Les besoins de la population ont été abordés dans la section précédente tandis que la valeur sera analysée dans la prochaine section. Également, la composante sur les résultats a seulement pu être étudiée sous l’angle de l’équité en raison de la disponibilité des données. Ainsi, la présente analyse porte sur les différentes dimensions des composantes Structures et ressources et Services et processus ainsi que sur la dimension Équité.

2.1 Structure et ressources

Cette composante caractérise les structures du système de santé et de services sociaux, c’est-à-dire la gouvernance, les ressources allouées au système et la viabilité. Mentionnons qu’une évaluation de la gouvernance a déjà été publiée dans le rapport Le devoir de faire autrement (CSBE, 2022) et n’est donc pas documentée dans le présent projet d’évaluation.

2.1.1 Ressources

Les ressources du système correspondent aux ressources financières, humaines, matérielles et informationnelles disponibles. Elles sont essentielles pour fournir des soins et services équitables et de qualité aux personnes en ayant besoin, mais ne sont pas suffisantes à elles seules. En effet, elles ne garantissent pas que des processus appropriés soient mis en œuvre ou que des résultats satisfaisants soient atteints par le système (Kelley, E. et Hurst, J., 2006).

Dans cette analyse, la dimension des ressources est documentée sous l’angle des ressources financières, humaines et matérielles.

Que mesure-t-on?

Les ressources financières sont mesurées à partir des sommes dépensées au niveau populationnel (121_21; balise = 5 245 $ par habitant) et par lit (121_26; balise = 84 452 $) pour les services d’hébergement en CHSLD publics et privés conventionnés du programme de soutien à l’autonomie des personnes âgées (SAPA)3. Les ressources humaines sont documentées à l’aide d’indicateurs sur les effectifs en soins infirmiers (122_69; balise = 18,1 ETC pour 1 000 habitants de 75 ans et plus) et en soins d’assistance dans les CHSLD du programme SAPA (122_73; balise = 36,8 ETC pour 1 000 habitants de 75 ans et plus) et les ressources matérielles reposent sur la mesure du taux de places dans l’ensemble des CHSLD publics et privés (123_04; balise = 79,5 places pour 1 000 habitants de 75 ans et plus).

3Les indicateurs sur les ressources financières utilisent les coûts bruts associés aux centres d’activité relatifs aux soins et à l’ensemble des services offerts aux résidents en CHSLD (centre d’activités : 7985, 6060, 6160, 5950, 6390, 6564, 6565, 6805, 6870, 6880, 6890, 7690, 7910) à l’exception de ceux relatifs aux coûts de gestion (centres d’activités : 7152, 7158).
Rappel méthodologique

Les indicateurs agrégés pour les niveaux de ressources ont été mesurés pour chacun des RTS en calculant sa distance à une balise, laquelle est établie à partir de la moyenne des trois résultats les plus élevés observés en 2019-2020, parmi l’ensemble des RTS étudiés.

En 2019-2020, les niveaux relatifs de ressources financières, humaines et matérielles allaient de 74 % à 76 % à l’échelle du Québec (figure 7). Globalement, ces niveaux de ressources étaient les plus faibles dans le RTS de la Montérégie-Ouest (score de 59 %) et les plus élevés dans le RTS du Centre-Sud de Montréal (score de 97 %) (figure 8). De 2015-2016 à 2019-2020, les niveaux de ressources financières ont augmenté, les niveaux de ressources humaines sont demeurés relativement stables tandis que nous n’avons pas d’information sur l’évolution des niveaux de ressources matérielles.

Figure 7 Niveaux relatifs de ressources en CHSLD, Ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 8 Niveaux relatifs de ressources en CHSLD selon les RTS, 2019-2020
ZOOM

En 2019-2020, le pourcentage des ressources financières du programme SAPA consacrées au volet hébergement en CHSLD était de 64 % pour l’ensemble du Québec. Les soins d’assistance et les soins infirmiers représentaient respectivement 48 % et 41 % des coûts de ce volet.

2.1.2 Viabilité

La viabilité rend compte de la capacité d’adaptation du système de santé et de services sociaux en fonction des besoins de la population et de son caractère durable. Parmi les conditions témoignant d’un système viable, ce dernier doit bien organiser les ressources, avoir l’expertise nécessaire, offrir une bonne qualité de vie au travail, maintenir une bonne santé financière et administrative, favoriser l’innovation autant dans les politiques que dans les processus cliniques ou administratifs, mettre en œuvre des processus d’appropriation de nouvelles connaissances, promouvoir une culture de qualité, et avoir des politiques de développement durable (Thiebaut, G.-C., Lavoie, C., Labrecque-Pégoraro, S. et Maillet, L., 2020).

Il est à noter qu’ici, la viabilité est mesurée à l’aide de trois sous-dimensions, soit l’expertise et la configuration des ressources humaines, la santé financière et administrative et la qualité de vie au travail.

La figure 9 présente les différents scores de la viabilité en 2019-2020 dans l’ensemble du Québec. On observe que celle-ci est passable, autant en ce qui concerne la dimension globale (score de 66 %) que ses sous-dimensions (scores allant de 65 à 67 %, selon le cas). L’analyse territoriale de la dimension globale permet de constater que 73 % des RTS présentent une viabilité passable ou faible (figure 10). Qui plus est, on constate que la viabilité, autant la dimension globale que ses sous-dimensions, s’est détériorée depuis 2015-2016.

Que mesure-t-on?

La sous-dimension sur l’expertise et la configuration des ressources est elle-même construite à partir de trois indicateurs qui portent sur la formation et la suffisance de la main-d’œuvre, soit le pourcentage d’heures consacrées à la formation chez le personnel en soins infirmier et en soins d’assistance travaillant en CHSLD (131_23; 131_24; balise = 1 %) ainsi que le pourcentage d’heures supplémentaires travaillées et par la main-d’œuvre indépendante chez le personnel en soins infirmiers (131_35; balise = 9,6 %) et en soins d’assistance (131_36; balise = 7,3 %). La santé financière et administrative est mesurée à l’aide d’un indicateur sur le coût de rémunération des heures supplémentaires de la main-d’œuvre indépendante pour le personnel soignant en CHSLD (132_09; balise = 4 436,9 $). Finalement, la qualité de vie au travail est documentée grâce à deux indicateurs portant sur l’absentéisme pour motif de maladie professionnelle (CNESST) (133_12; balise = 1,6 %) et d’assurance salaire chez les infirmières et les PAB travaillant en CHSLD (133_15; balise = 6,2 %).

Figure 9 Scores de la dimension de viabilité en CHSLD, Ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 10 Scores de la dimension de viabilité en CHSLD selon les RTS, 2019-2020
ZOOM

En CHSLD, 0,8 % des heures travaillées en 2019-2020 sont consacrées à la formation et au perfectionnement chez les infirmières, et 0,5 % chez les PAB. Au cours de la même période, le recours aux heures supplémentaires et à la MOI en CHSLD représente 14,1 % des heures travaillées par le personnel infirmier et 10,5 % des heures travaillées par les PAB. Mentionnons également que les coûts consacrés aux heures supplémentaires et à la MOI par lit en CHSLD ont pratiquement triplé entre 2015-2016 et 2019-2020. Le taux d’absentéisme pour assurance salaire chez les infirmières et les PAB travaillant en CHSLD a augmenté en moyenne de 4,2 % par année depuis 2015 pour atteindre un sommet de 8,4 % en 2019-2020.

2.2 Services et processus

Cette composante du cadre d’évaluation de la performance du CSBE regroupe les dimensions en lien avec la production des soins et services et leur qualité. La production de soins et services de qualité est déterminante pour obtenir des résultats importants pour la population et, par conséquent, créer de la valeur.

Production de soins et services

Les dimensions qui concernent la production sont l’arrimage aux besoins de la population, l’accessibilité, la productivité et l’intensité des services.

2.2.1 Arrimage aux besoins de la population

L’arrimage aux besoins de la population représente la capacité du système à s’adapter et à répondre adéquatement aux besoins de la population en fonction du contexte, et ce, grâce à une planification et une organisation de l’offre de soins et de services appropriée (Thiebaut, G.-C., 2020).

Que mesure-t-on?

Cette dimension est mesurée à l’aide de trois indicateurs : les transferts à l’urgence chez les résidents en CHSLD (215_48; balise = 5,5 pour 100 résidents), les hospitalisations pour cette même clientèle (215_8; balise = 5,5 pour 100 lits dressés) et les admissions transitoires chez les personnes en attente d’une place en CHSLD (242_2a; balise = 10 %).

Pour l’ensemble du Québec, en 2019-2020, l’arrimage aux besoins des ainés en CHSLD est faible (figure 11). Parmi les 19 RTS évalués, seulement trois affichent un niveau d’atteinte de la balise allant de bon à excellent. Les scores obtenus pour les trois indicateurs à l’étude sont aussi faibles (figure 12).

Figure 11 Scores de la dimension d’arrimage aux besoins en CHSLD, Ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 12 Scores de la dimension d'arrimage aux besoins en CHSLD selon les RTS, 2019-2020
ZOOM

En 2019-2020, 41 % des personnes de 65 ans et plus en attente d’une place en CHSLD sont admises de façon transitoire, c’est-à-dire qu’elles sont admises dans un CHSLD qui ne sera pas leur lieu de résidence final. Cette proportion va au-delà de 50 % dans 5 RTS situés à Montréal et dans sa périphérie, ce qui témoigne d’un mauvais arrimage aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie. En effet, de tels changements de milieux de vie peuvent causer une détérioration physique et cognitive importante chez ces dernières. Au cours de la même année, près de 16 transferts à l’urgence pour 100 résidents en CHSLD ont eu lieu sans qu’ils conduisent à une hospitalisation ou à un décès. Cette pratique varie entre cinq transferts dans le RTS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec et 30 transferts dans le RTS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal. Toujours en 2019-2020, l’équivalent de 345 lits en soins de courte durée ont été occupés par des patients en attente d’une place en hébergement4 alors que ces personnes ne provenaient pas d’un milieu prodiguant des soins de longue durée. En moyenne, ces patients sont restés 5,4 jours dans un lit de courte durée.

4Les ressources d’hébergement regroupent les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), les ressources intermédiaires (RI), les ressources de type familial (RTF), les ressources privées (personnes âgées) et les autres types d’hébergement offerts, notamment, par des organismes communautaires d’hébergement.

2.2.2 Accessibilité

L’accessibilité correspond à la capacité du système à fournir les soins et services requis aux personnes selon leur condition, à l’endroit et au moment opportun, sans que des obstacles organisationnels, financiers, géographiques ainsi qu’individuels et socioculturels nuisent à l’obtention de ces services (ICIS, 2013).

Dans notre analyse, cette dimension est documentée à l’aide de l’accessibilité organisationnelle. Mentionnons que l’accessibilité géographique, financière et individuelle et socioculturelle n’a pas été abordée dans ce rapport.

Que mesure-t-on?

L’accessibilité organisationnelle est mesurée à l’aide de deux indicateurs sur le taux de personnes en attente d’une première place en CHSLD (221_09a; balise = 8,7 par 1 000 habitants de 75 ans et plus) et sur le délai moyen d’attente de ces personnes (222_22a; balise = 97, 3 jours).

Durant l’année précédant la pandémie, l’accessibilité est faible dans les CHSLD de l’ensemble du Québec (score 46 %) (figure 13). Parmi les 22 RTS étudiés, seulement trois affichent une accessibilité bonne ou excellente (figure 14). L’examen des indicateurs composant cette dimension permet de constater que depuis 2015, de plus en plus de personnes attendent pour une place en CHSLD, et que ces dernières attendent aussi longtemps qu’avant.

Figure 13 Scores de la dimension d’accessibilité en CHSLD, Ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 14 Scores de la dimension d’accessibilité en CHSLD selon les RTS, 2019-2020
ZOOM

En 2019-2020, les personnes âgées de 65 ans et plus en attente d’une place en hébergement ont attendu en moyenne 185 jours. Ces délais vont de 51 jours à 272 jours selon le RTS de résidence. Les personnes provenant du domicile attendent plus longtemps pour obtenir une place en CHSLD que celles provenant d’un autre milieu.

2.2.3 Productivité

La productivité désigne la capacité du système à optimiser le nombre de soins et de services produits en fonction des ressources mobilisées. Cette optimisation consiste à augmenter la réactivité du système, à éviter le gaspillage des ressources ou à augmenter la production de soins et services en utilisant des ressources équivalentes ou moindres, ou à maintenir cette production en utilisant moins de ressources (Thiebaut, G.-C., 2020).

En raison de la disponibilité des données, la productivité n’a pu être documentée qu’à l’aide d’un seul indicateur sur le taux d’occupation des lits en CHSLD publics et privés conventionnés (230_01). En 2019-2020, ce taux d’occupation des lits est très élevé dans l’ensemble du Québec (97 %) et varie très peu entre les 22 RTS étudiés, soit de 94 % à 100 %. Étant donné que nous considérons que cet indicateur n’est pas suffisant à lui seul pour apprécier cette dimension, aucun score n’a été produit5.

5Le CSBE entend poursuivre ses travaux méthodologiques afin de mieux documenter cette dimension dans le futur.

2.2.4 Intensité des soins et services

L’intensité des interventions requise pour assurer une prise en charge de qualité en CHSLD doit être ajustée aux besoins des résidents dont les besoins en services de santé et services sociaux sont importants.

Que mesure-t-on?

L’intensité des soins et services a été mesurée à l’aide d’indicateurs sur les heures travaillées en soins infirmiers (213_7; balise = 1,6 heure par jour-présence) et en soins d’assistance par jour-présence en CHSLD; 213_8; balise = 2,7 heures par jour-présence).

Nos résultats montrent que, pour l’ensemble du Québec, l’intensité des soins et services en CHSLD est bonne en 2019-2020 avec un score de 85 %; celle-ci a d’ailleurs augmenté depuis 2015 (figure 15). Notons que l’ensemble des RTS ont un niveau d’atteinte de la balise bon ou excellent (figure 16).

Figure 15 Score de la dimension d’intensité des soins et services en CHSLD, Ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 16 Scores de la dimension d’intensité des soins et services en CHSLD selon les RTS, 2019-2020

Qualité des soins et services

Le cadre d’évaluation de la performance du CSBE considère la qualité des soins et services comme un concept multidimensionnel qui inclut les soins axés sur la personne, la continuité et la coordination, la sécurité et la pertinence des soins et services. Toutes ces dimensions de qualité font partie de la composante sur les services et processus, au même titre que les dimensions sur la production des soins et services. La présente section porte sur l’évaluation de la performance de ces différentes dimensions de qualité.

2.2.5 Qualité générale

Que mesure-t-on?

La qualité générale est mesurée à l’aide de deux indicateurs. Le premier concerne la conformité globale des CHSLD lors de l’évaluation de la qualité de ces milieux de vie par le ministère de Santé et des Services sociaux (280_01; balise = 100 %). Le second touche l’intégration d’objectifs visant à offrir un milieu de qualité dans un plan d’action (280_00; balise = 85 %).

Avant l’entrée en pandémie, le niveau d’atteinte de la balise au Québec associé à la qualité générale des milieux de vie en CHSLD est passable avec un score qui s’élève à 69 % (figure 17). Parmi les 21 RTS évalués, cinq affichent des scores supérieurs à 75 % (figure 18).

Figure 17 Score de la dimension de qualité générale en CHSLD, Ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 18 Scores de la dimension de qualité générale en CHSLD selon les RTS, 2019-2020
ZOOM

Lors de la dernière visite ministérielle d’évaluation de la qualité des milieux de vie en CHSLD en 2020, seulement 59 % des CHSLD dans l’ensemble du Québec présentaient une évaluation adéquate ou très adéquate. Parmi les CHSLD présentant un potentiel d’amélioration, 28 % ont vu la qualité du milieu de vie s’améliorer entre les deux derniers cycles d’évaluation. Parmi les CHSLD identifiés comme ayant un potentiel de détérioration, 29 % ont vu leur qualité se détériorer.

2.2.6 Soins et services axés sur les personnes

Les soins et services axés sur les personnes sont adaptés aux préférences, aux besoins et aux valeurs des personnes et sont dispensés en réel partenariat avec les patients et leurs proches (ICIS, 2013). Pour être axés sur les patients et leurs proches, les soins, les services, les lieux et les relations interpersonnelles doivent être empreints d’humanisme et respecter les valeurs d’empathie, d’écoute, de dignité humaine, de reconnaissance de l’intégrité, de confidentialité, de liberté de choix et de respect de la personne. Ils doivent également prendre en compte toutes les dimensions de la personne (biologique, psychologique et sociale) et toutes les dimensions de la santé et du bien-être à toutes les étapes de la trajectoire de soins et de services (globalité).

Dans le présent document, les soins et services axés sur les personnes sont mesurés selon trois sous-dimensions : le partenariat avec les résidents et leurs proches, l’humanisme et la globalité des soins et services.

Que mesure-t-on?

Le partenariat est documenté à l’aide d’un indicateur sur l’engagement des CHSLD à écouter les résidents et leurs proches concernant la qualité du milieu (241_08; balise = 85 %). Quant à l’humanisme, il se décline en cinq regroupements d’indicateurs, soit l’accueil adéquat, l’aménagement adéquat, l’engagement communautaire, les relations bienveillantes et les repas structurés.

  • L’accueil adéquat est évalué à l’aide de deux indicateurs portant sur la transmission d’informations et sur l’intégration du résident (242_03; 242_06; balise = 85 %).
  • L’aménagement adéquat est documenté avec des indicateurs sur l’adaptation des espaces intérieurs à la clientèle (242_04; balise = 85 %), sur l’environnement des repas favorisant le plaisir de manger (242_08; balise = 85 %) et sur la proportion de chambres individuelles (242_13; balise = 94,7 %).
  • L’engagement communautaire est mesuré à l’aide d’un indicateur sur le soutien des proches, des bénévoles et de la communauté (242_12; balise = 85 %).
  • Quant aux relations bienveillantes, elles sont évaluées selon des indicateurs sur la qualité de l’approche du personnel envers les résidents et les proches (242_07; balise = 85 %) et sur la communication efficace au sein du CHSLD (242_14; balise = 85 %).
  • Les repas structurés font référence à un indicateur qui porte sur l’organisation des repas (242_09; balise = 85 %).
Enfin, la dimension globalité est mesurée à l’aide d’indicateurs sur la promotion des droits des résidents et sur l’accès à des activités de loisirs adaptées (243_02; 243_03; balise = 85 %).

En 2019-2020, pour l’ensemble du Québec, le niveau d’atteinte de la balise des soins et services axés sur les personnes est passable avec un score de 74 % (figure 19). Parmi les 21 RTS qui ont pu être évalués, neuf affichent des scores d’au moins 75 % et ont donc un niveau adéquat (figure 20). Le score de la sous-dimension de partenariat (93 %) se situe au niveau excellent alors que ceux de l’humanisme et de la globalité (respectivement 71 % et 64 %) correspondent à un niveau passable.

Figure 19 Scores de la dimension de soins et services axés sur les personnes en CHSLD, Ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 20 Scores de la dimension de soins et services axés sur les personnes en CHSLD selon les RTS, 2019-2020
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Lors des visites ministérielles d’évaluation de la qualité des milieux de vie en CHSLD effectuées entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2020, seulement 36 % des CHSLD évalués offraient une organisation des repas structurée afin de répondre aux besoins des résidents. De plus, 43 % des CHSLD offrent des activités sociales, occupationnelles et de loisirs adaptés aux caractéristiques des résidents. Notons que dans 79 % des CHSLD évalués au Québec, le personnel était respectueux, bienveillant et engagé auprès du résident et de ses proches.

2.2.7 Continuité et coordination

La continuité correspond à la fluidité des soins et services selon une séquence temporelle au cours de laquelle plusieurs ressources sont impliquées. La continuité informationnelle, relationnelle, de lieu et de prise en charge contribue à assurer la fluidité recherchée. Pour sa part, la coordination des soins et des services est la capacité de mettre en lien de manière synchronisée les acteurs et les soins et services, afin d’accomplir un ensemble de tâches, d’assurer une offre de services cohérente centrée sur les besoins de l’usager et de ses proches, de soutenir l’amélioration de leur état de santé et de bien-être et d’atteindre les objectifs de performance du système (Thiebaut, G.-C., 2020).

Dans le cadre de ce projet, la dimension de la continuité et de la coordination est abordée sous l’angle de la continuité de prise en charge. Les autres sous-dimensions, soit la continuité informationnelle, relationnelle et de lieu et la coordination des soins n’ont pu être documentées.

Que mesure-t-on?

Les indicateurs utilisés concernent le taux de CHSLD qui assurent la stabilité, la continuité et la qualité des interventions de l’équipe soignante (254_01; balise = 85 %) et le pourcentage des heures totales travaillées à temps plein par le personnel infirmier et par le personnel en soins d’assistance (254_06; 254_07; balise = 75 %).

La continuité en CHSLD est généralement faible au Québec, son score étant de 53 % dans l’ensemble du Québec en 2019-2020 (figure 21). L’analyse par RTS révèle qu’environ 80 % d’entre eux présentaient une continuité faible, 10 % une continuité passable et 10 % une bonne continuité, durant cette même période (figure 22).

Figure 21 Scores de la dimension de continuité et coordination en CHSLD, Ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 22 Scores de la dimension de continuité et coordination en CHSLD selon les RTS, 2019-2020
ZOOM

En CHSLD, 44 % des heures travaillées en CHSLD par les infirmières sont effectuées par des employées à temps plein; cette proportion est de 40 % chez les PAB. Ces résultats reflètent une faible stabilité de la main-d'œuvre, laquelle est nécessaire pour assurer une bonne continuité des soins auprès des patients.

2.2.8 Sécurité

La sécurité correspond à la capacité du système à prévenir et mitiger les risques associés aux soins et services et au milieu dans lequel ils sont prodigués, grâce à de meilleures pratiques ou la conformité aux pratiques sécuritaires. La prévention et mitigation des risques est associée à des actions de prévention, de protection ou d’élimination des événements indésirables et de leurs conséquences (Thiebaut, G.-C., 2020).

Que mesure-t-on?

La sécurité est mesurée du point de vue de la prévention et de la mitigation des risques à l’aide de trois indicateurs portant sur le taux de CHSLD qui offrent des espaces intérieurs sécuritaires, propres et bien entretenus (261_16; balise = 85 %), sur le ratio d’infirmières affectées au programme de prévention des infections nosocomiales en CHSLD (261_1; balise = 0,6 ETC par 100 lits dressés) ainsi que sur le taux global de conformité aux pratiques exemplaires d’hygiène des mains en CHSLD (261_11; balise = 81,7 %). Mentionnons qu’aucun indicateur en lien avec les événements indésirables n’a pu être utilisé en raison de limites méthodologiques dans les données disponibles6.

6Étant donné la faible qualité des données sur les incidents et les accidents, le CSBE n’a pas été en mesure d’estimer adéquatement le taux de chutes et le taux d’erreur dans la médication des résidents en CHSLD. Selon les experts consultés, ces événements sont souvent sous-rapportés, et il est impossible de savoir si un plus haut taux correspond à une moins bonne performance ou si cela est plutôt associé à une bonne culture de sécurité. De plus, l’information sur le nombre de ces événements qui engendrent des conséquences pour les patients n’est pas accessible.

Dans l’ensemble du Québec, la sécurité en CHSLD en 2019-2020 est évaluée comme étant passable avec un score moyen de 63 % (figure 23). Elle est évaluée comme passable ou faible dans 94 % des RTS (figure 24).

Figure 23 Scores de la dimension de sécurité en CHSLD, Ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 24 Scores de la dimension de sécurité en CHSLD selon les RTS, 2019-2020
ZOOM

Lors des visites ministérielles d’évaluation de la qualité des milieux de vie effectuées entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2020, seulement 26 % des CHSLD évalués fournissaient des espaces intérieurs sécuritaires, propres et bien entretenus.

2.2.9 Pertinence

La pertinence désigne la capacité à offrir, en fonction des bonnes pratiques, des soins et des services au bon moment, à la bonne personne, de manière adaptée à ses besoins et de façon à entraîner les meilleurs bénéfices possibles (justesse des interventions). La notion de pertinence s’applique à un soin, à un service ou à un plan d’intervention ainsi qu’à la décision de débuter ou de poursuivre des soins (Thiebaut, G.-C., 2020).

Que mesure-t-on?

La pertinence des soins et services est mesurée sous l’angle des bonnes pratiques à l’aide d’indicateurs sur le taux de CHSLD qui élaborent des procédures et des pratiques cliniques adéquates (271_04; 271_05; balise = 85 %) et qui offrent des soins et une assistance adaptés (271_12; 271_11; balise = 85 %) ainsi qu’à l’aide d’un indicateur sur le pourcentage de résidents avec un plan d’intervention et une évaluation à jour (271_01; balise = 97,9 %). Mentionnons que des indicateurs sur les taux de contention ou les plaies de pressions, des indicateurs normalement mesurés pour documenter la pertinence dans les soins de longue durée n’ont pu être utilisés, faute de données disponibles.

Au Québec, le niveau d’atteinte de la balise associée à la pertinence des soins et services est bon, le score étant de 83 % en 2019-2020 (figure 25). Parmi les 21 RTS qui ont pu être évalués, vingt affichent un score adéquat (au-delà de 75 %) tandis qu’un seul RTS présente un niveau passable (figure 26).

Figure 25 Scores de la dimension de pertinence en CHSLD, ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 26 Scores de la dimension de pertinence en CHSLD selon les RTS, 2019-2020
ZOOM

Malgré un score de pertinence globalement bon à l’échelle du Québec, le pourcentage de CHSLD offrant des soins d’assistance adaptés aux besoins des résidents est de seulement 20 % en 2019-2020. Sur l’ensemble des RTS évalués, un seul affiche un bon score pour cet indicateur.  Les soins et l’assistance adaptés comprennent notamment des plans de travail évolutifs du préposé aux bénéficiaires ainsi que des interventions de soins palliatifs et de fin de vie réalisés en interdisciplinarité.

2.3 Équité

Dans un système de santé en CHSLD équitable, il serait attendu que davantage de ressources soient investies là où les besoins en soins de longue durée sont les plus importants et que l’accessibilité y soit meilleure. Par ailleurs, la qualité devrait peu varier d’un territoire à l’autre, et ce, indépendamment de la lourdeur de la clientèle hébergée.

Dans le cadre de ce projet, il n’a pas été possible de porter un jugement sur l’équité de ressources et d’accès. En effet, les données disponibles n’ont pas permis de mesurer directement les besoins en hébergement ni les facteurs confondants tels que la mobilité entre les territoires pouvant expliquer certaines disparités sur les plans des ressources ou de l’accessibilité. Toutefois, l’équité a pu être examinée sommairement sous l’angle de la qualité.

Équité de qualité

Nous avons analysé les scores des différentes dimensions qui touchent à la qualité (la qualité générale, les soins et services axés sur les personnes, la continuité, la sécurité et la pertinence) en fonction de la lourdeur de la clientèle hébergée. Aucune différence significative n’a été observée entre les RTS dont la lourdeur de la clientèle est considérée comme plus ou moins importante7.

7Les RTS dont la lourdeur de la clientèle hébergée en CHSLD est considérée moins importante sont ceux dont la proportion de résidents avec un profil ISO-SMAF lourd est sous la médiane tandis que les RTS dont la lourdeur de la clientèle hébergée en CHSLD est considérée plus importante sont ceux dont la proportion de résidents avec un profil ISO-SMAF lourd est au-dessus de la médiane. Des tests F ont été réalisés entre les scores moyens de ces groupes de RTS.

Toutefois, comme l’illustre la figure 27, malgré cette absence d’association, certaines disparités territoriales existent en regard de la qualité. En effet, les scores varient d’un RTS à l’autre pour la plupart des dimensions concernées, la pertinence étant celle qui affiche le moins de variation.

Bien que ces variations entre RTS témoignent d’une qualité qui n’est pas paritaire d’un territoire à l’autre, notre analyse suggère une certaine équité de qualité, qui est indépendante de la lourdeur de la clientèle hébergée en CHSLD.

Figure 27 Scores des dimensions en lien avec la qualité selon le pourcentage de la clientèle hébergée en CHSLD du RTS ayant un profil ISO-SMAF lourd, 2019-2020

2.4 Synthèse des résultats d’appréciation de la performance

En résumé, avant l’entrée en pandémie, la performance en CHSLD au Québec posait davantage de défis en ce qui a trait à l’accessibilité, à l’arrimage aux besoins des usagers et à la continuité des soins et services. Toujours à l’échelle de la province, les dimensions de viabilité, de qualité générale, de soins axés sur les personnes et de sécurité laissaient toutes place à l’amélioration avec des niveaux passables. Les seules dimensions qui se situaient à des niveaux adéquats étaient l’intensité des soins et la pertinence clinique (figure 28).

À l’échelle territoriale, cinq RTS se démarquent favorablement avec plus de la moitié des dimensions mesurées dont les niveaux d’atteinte de la balise sont bons ou excellents, soit les RTS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, du Bas-Saint-Laurent, du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de Chaudière-Appalaches (figure 29). Un second groupe de neuf RTS obtient entre le tiers et la moitié des dimensions avec des scores bons ou excellents. Enfin, un troisième groupe de huit RTS obtient de tels résultats pour moins du tiers des dimensions mesurées. Finalement, malgré certaines disparités territoriales, la qualité des soins et services en CHSLD semble assez équitable au Québec.

Figure 28 Scores des dimensions évaluées en CHSLD, Ensemble du Québec, 2019-2020
Figure 29 Scores des dimensions évaluées en CHSLD selon le RTS*, 2019-2020
*L’ordre des RTS est déterminé selon le pourcentage de dimensions qui présentent des niveaux d’atteinte de la balise bons ou excellents.

3 Analyse de la valeur

3.1 En quoi consiste l’analyse de la valeur?

Selon le cadre du CSBE, un système performant axé sur la valeur vise à maximiser les résultats importants pour les citoyens, en conformité avec les valeurs de la population et en considérant que les ressources sont nécessairement limitées. Notons que ces résultats varient selon les groupes de personnes étudiés. Ils incluent les résultats de santé et l’expérience de soins.

Notre analyse de la valeur, inspirée de la notion de Porter (Porter, M. E., 2010), Value-Based Health Care, consiste à apprécier le rapport suivant :

Dans le cadre de cette analyse, aucune mesure directe de l’état de santé des usagers hébergés en CHSLD n’a pu être utilisée, faute de données disponibles. En guise de mesures de résultats, nous avons plutôt utilisé les scores agrégés des dimensions suivantes qui, bien que mesurées à partir de données médico-administratives, renseignent de manière indirecte sur la santé, le bien-être et l’expérience vécue par les usagers en CHSLD :

  • l’arrimage aux besoins
  • les soins et services axés sur les personnes
  • la continuité et la coordination des soins et des services
  • la sécurité

Notre approche analytique consiste à mettre en relation les scores de chacune des dimensions retenues avec le niveau relatif de ressources financières investies dans le volet hébergement en CHSLD du programme SAPA en 2019-2020, et ce, pour l’ensemble du Québec et chacun des RTS.

Cette approche permet d’identifier les RTS dont les CHSLD se démarquent favorablement ou défavorablement en termes de valeur relative sur un aspect donné. Ainsi, ceux qui se distinguent de manière favorable en termes de valeur relative sont ceux qui atteignent un score de bon à excellent (c.-à-d. supérieur ou égal à 75) et qui présentent une valeur relative attendue ou élevée.

Nous considérons que la valeur relative se situe au niveau attendu lorsque, pour un RTS donné, la différence en absolu entre le score de la dimension évaluée et le niveau relatif de ressources mobilisées pour ce territoire est inférieure à 10 points. On considère la valeur relative élevée lorsque le score de la dimension évaluée est égal ou supérieur à 10 points par rapport au niveau relatif de ressources allouées. Inversement, la valeur relative est jugée faible lorsque le score de la dimension évaluée est inférieur au niveau relatif de ressources d’au moins 10 points.

3.2 Que disent nos résultats?

Comme l’illustre la figure 30, notre analyse de la valeur sous l’angle de l’arrimage aux besoins montre que sur les 19 RTS évalués, seulement trois se distinguent favorablement en termes de valeur relative. La grande majorité des RTS présentent une valeur relative faible. On observe également que l’arrimage aux besoins varie entre certains RTS disposant de niveaux de ressources financières comparables.

Davantage de valeur semble être créée en CHSLD en ce qui a trait aux soins et services axés sur les personnes. Sur les 21 RTS évalués, neuf se démarquent de manière favorable. Cela dit, le tiers des RTS présente une valeur relative faible. Notons que des niveaux de ressources financières en CHSLD plus élevés ne se traduisent pas par de meilleurs soins et services axés sur les personnes.

Concernant la valeur en matière de continuité et coordination, notre analyse montre que sur les 21 RTS évalués, seuls deux se distinguent favorablement. Environ 86 % des RTS ont une valeur relative faible. Encore une fois, on constate que des niveaux de ressources financières en CHSLD plus élevés ne se traduisent pas une meilleure continuité des soins en CHSLD et qu’il existe une grande variabilité dans les pratiques des RTS.

L’analyse de la valeur sous l’angle de la sécurité montre que sur les 17 RTS évalués, un seul se distingue de manière favorable, alors que les deux tiers des RTS produisent une valeur relative faible. Une fois de plus, pour un niveau relatif de ressources financières comparable entre les RTS, une grande variabilité en termes de production de valeur est observée.

Figure 30 Analyse de la valeur pour les dimensions arrimage aux besoins, soins et services axés sur la personne, continuité et coordination et sécurité, Ensemble du Québec, 2019-2020

Le tableau suivant dresse la liste des RTS en fonction du nombre de dimensions pour lesquelles ils se sont démarqués favorablement en termes de valeur relative. On y observe que six RTS se sont distingués de manière favorable à l’égard d’une dimension sur les quatre retenues, trois RTS se sont distingués par rapport à deux dimensions et un seul RTS s’est distingué pour trois dimensions. Onze RTS ne se sont distingués pour aucune des dimensions évaluées.

Tableau 1 RTS qui se sont distingué favorablement en termes de valeur relative pour les dimensions retenues dans l’analyse de la valeur

4 Impact de la pandémie sur la situation en CHSLD

La présente section vise à évaluer les répercussions de la première année de la pandémie sur les résidents et les travailleurs de la santé en CHSLD, sur les ressources ainsi que sur la performance en CHSLD.

À cette fin, des indicateurs en lien avec ces différents aspects ont été ventilés selon les regroupements de RTS ayant été plus ou moins touchés par la COVID-19 durant l’année financière 2020-2021, en termes de contamination communautaire et de mortalité8. Afin de catégoriser les RTS, l’indicateur du taux de décès associés à la COVID-19 par 100 000 habitants a été utilisé.

8Pour brosser un portrait complet de la première année de la pandémie et considérer l’impact des premiers cas et décès survenus avant le 1er avril 2020 sur l’organisation du réseau, les données retenues pour représenter l’année financière 2020-2021 en termes de contamination communautaire et de mortalité couvrent la période s’échelonnant du 25 février 2020 au 31 mars 2021. Au 31 mars 2020, les taux de contamination communautaire et de mortalité comptent ainsi l’ensemble des cas recensés au Québec depuis le début de la pandémie.

Ces taux ont été normalisés sur des valeurs de 0 à 100 afin de regrouper les RTS en trois groupes :

  1. les RTS peu touchés par la pandémie, soit ceux avec des taux de décès normalisés supérieurs à 75;
  2. les RTS moyennement touchés, soit ceux avec des taux de décès normalisés entre 25 et 75;
  3. les RTS fortement touchés, soit ceux avec des taux normalisés inférieurs à 25 (tableau 2).
Tableau 2 Regroupement des RTS en fonction du fait d’avoir été plus ou moins touchés par la COVID-19 en 2020-2021 en termes de contamination communautaire et de décès

4.1 Impact sur les résidents en CHSLD et les travailleurs

Afin de documenter les répercussions de la pandémie sur les résidents en CHSLD ainsi que sur les travailleurs, trois indicateurs ont été mesurés selon les regroupements de RTS ci-haut mentionnés, soit :

  1. la moyenne des absences associées à la COVID-19 par semaine en CHSLD dans les CISSS/CIUSSS pour 1 000 lits (133_35a);
  2. le taux de travailleurs de la santé contaminés en CHSLD par 1 000 lits (133_38a);
  3. le taux de létalité en CHSLD, c’est-à-dire le pourcentage de décès liés à la COVID-19 parmi les cas confirmés chez les résidents (entre le 3 mars 2020 et le 31 mars 2021) (311_4a).

À la lumière de ces analyses, nos résultats confirment qu’en 2020-2021, les CHSLD situés dans les RTS les moins touchés par la pandémie sur les plans de la contamination communautaire et du nombre de décès ont également été moins affectés, en moyenne, par l’absentéisme des travailleurs en CHSLD et par le nombre de travailleurs infectés, comparativement aux CHSLD situés dans les RTS moyennement ou fortement touchés9. Par ailleurs, le taux de létalité n'était pas significativement différent selon les zones de RTS. On remarque que dans les RTS les plus touchés par la pandémie, la situation a été particulièrement difficile à Laval, pour tous les indicateurs étudiés (figure 31).

9Des tests de Tukey ont été réalisés entre les moyennes des différentes zones de RTS; les différences rapportées sont significatives au seuil de 5 %.
Figure 31 Indicateurs en lien avec la COVID-19 en CHSLD selon les RTS ayant été peu, moyennement ou fortement touchés par la COVID-19, 2020-2021
Source : INSPQ, compilation spéciale

4.2 Comment les ressources ont-elles été investies en CHSLD durant la première année de la pandémie?

Avant de décrire l’évolution des ressources investies en CHSLD, il convient d’abord de rappeler comment celles-ci ont été mesurées. Les indicateurs utilisés pour documenter les ressources financières tiennent compte des sommes dépensées dans les services d’hébergement en CHSLD publics et privés conventionnés du programme SAPA. Ceux portant sur les ressources humaines documentent les effectifs en soins infirmiers et en soins d’assistance dans ces mêmes CHSLD tandis que l’indicateur sur les ressources matérielles est basé sur le taux de places dans l’ensemble des CHSLD, incluant les privés non conventionnés.

Pour chacun des indicateurs composant les dimensions de ressources, la figure 32 présente l'évolution des variations entre 2015-2016 et chacune des années subséquentes jusqu'en 2020-2021, soit la première année de la pandémie. Il est à noter que l’indicateur composant la dimension des ressources matérielles (taux de places en CHSLD) n’a pas été retenu dans cette analyse pour des raisons de fiabilité en contexte de pandémie.

En 2020-2021, c’est sans surprise que l’on peut constater une forte augmentation des ressources financières investies en CHSLD par rapport à l’année précédente. Cette augmentation, qui correspond à un montant de 753,6 M$10, est notable lorsqu’on la compare à celle qui prévalait annuellement depuis 2015. On observe également une augmentation du taux de préposés aux bénéficiaires travaillant en CHSLD de près de 14 % durant la première année de la pandémie. Le taux de personnel infirmier est pour sa part demeuré relativement stable à l’échelle de l’ensemble du Québec. Notons que les dépenses supplémentaires investies en CHSLD durant la première année de la pandémie ont notamment contribué à payer la main-d’œuvre indépendante et les primes offertes aux travailleurs de la santé, deux aspects n’ayant pas été captés par nos indicateurs de ressources humaines.

10Cette variation correspond à la différence entre les coûts du volet hébergement en CHLSD du programme SAPA de 2020-2021 et de 2019-2020, dont les montants sont mis en dollars constants de 2019.
Figure 32 Variations entre 2015-2016 et les années subséquentes pour les indicateurs portant sur les ressources financières et humaines, Ensemble du Québec

En posant un regard plus en détail sur les coûts par lit du volet hébergement en CHSLD du programme SAPA durant l’année 2020-2021, on remarque que tous les RTS ont subi une augmentation de ces coûts par rapport à 2019-2020, et ce, de manière comparable entre les différentes zones de RTS plus ou moins touchées par la pandémie11(figure 33).

11Des tests F ont été réalisés entre les coûts moyens des différentes zones de RTS.
Figure 33 Coût du volet hébergement en CHSLD du programme SAPA par lit dressé selon les RTS ayant été peu, moyennement ou fortement touchés par la COVID, 2019-2020 et 2020-2021 (dollars constants de 2019-2020)

4.3 Comment la performance en CHSLD a-t-elle été affectée durant la première année de la pandémie?

Certaines limites méthodologiques ont été rencontrées lors de l’examen des répercussions de la pandémie sur la performance en CHSLD. D’abord, les données sur les dimensions en lien avec la qualité des soins (qualité générale, soins et services axés sur les personnes, continuité et de coordination, sécurité et pertinence) n’étaient pas disponibles en 2020-2021. Mentionnons également que la dimension d’arrimage aux besoins et les sous-dimensions de la viabilité que sont l’expertise et la configuration des ressources ainsi que la santé financière et administrative n’ont pas été retenues pour cette analyse en raison des défis d’interprétation inhérents au contexte de la pandémie.

La figure 34 présente l’évolution des variations observées sur les scores des dimensions pour lesquelles des données étaient disponibles durant la première année de la pandémie. Ainsi, on observe en 2020-2021 une chute des scores pour l’accessibilité et la qualité de vie au travail et une augmentation pour l’intensité de soins, par rapport à l’année précédente.

Rappel méthodologique

Les scores ont été mesurés pour chacun des RTS en calculant leur distance à une balise, laquelle est établie à partir : 1) d’une cible ministérielle; 2) de la moyenne des trois meilleurs résultats observés en 2019-2020 parmi l’ensemble des RTS étudiés; 3) d’une valeur raisonnée. Un score de 100 % indiquerait qu’un RTS a atteint la balise.

Figure 34 Variations des scores de certaines dimensions entre 2015-2016 et les années subséquentes, Ensemble du Québec

Une analyse des différentes dimensions évaluées en 2020-2021 selon les zones de RTS ayant été plus ou moins touchées par la pandémie ne révèle aucune différence significative12. Cela dit, en ce qui a trait à l’accessibilité, on remarque que tous les RTS en zone fortement touchée par la pandémie affichent des scores faibles contrairement aux zones moyennement ou peu touchées qui présentent davantage de variabilité (figure 35).

12Des tests F ont été réalisés entre les scores moyens des différentes zones de RTS, et ce, pour les dimensions suivantes : accessibilité, intensité et qualité de vie au travail.

À terme, pour être en mesure de bien apprécier les effets de la pandémie sur la performance en CHSLD, il va sans dire qu’un accès aux données recouvrant chacune des dimensions d’intérêt, y compris celles en lien avec la qualité, sera nécessaire, voire impératif.

Figure 35 Scores moyens de certaines dimensions évaluées en CHSLD selon les RTS ayant été peu, moyennement ou fortement touchés par la COVID-19, 2020-2021

Conclusion

Ce rapport d’évaluation de la performance en CHSLD a permis d’apprécier différentes composantes et dimensions de cet important secteur et d’identifier celles qui se rapprochent des niveaux attendus et celles qui méritent qu’on s’y attarde en priorité afin d’améliorer les résultats qui sont importants pour la population.

Nos analyses révèlent qu’avant l’entrée en pandémie, les plus grands enjeux en CHSLD touchaient l’arrimage aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie, l’accessibilité et la continuité, soit des dimensions qui ont une incidence directe sur l’expérience de soins des résidents en CHSLD et leur bien-être. Les problèmes d’accessibilité ne sont pas surprenants sachant que le Québec, malgré des besoins plus élevés, serait la province canadienne ayant le moins de places en soins de longue durée. C’est également sans grand étonnement que ces problèmes d’accessibilité se sont accentués durant la première année de la pandémie. Concernant l’arrimage aux besoins et la continuité des soins, ces résultats sont particulièrement préoccupants dans la mesure où ces dimensions peuvent exercer une grande influence sur les capacités fonctionnelles et cognitives des personnes hébergées (David, I., 2018). La viabilité, la qualité générale, les soins axés sur les personnes et la sécurité sont toutes des dimensions qui présentent également des défis d’amélioration en CHSLD. Soulignons toutefois que l’intensité et la pertinence des soins et services se situent à un niveau adéquat dans l’ensemble du Québec ainsi que dans la très grande majorité des RTS. En ce qui a trait à l’équité de qualité, celle-ci semble acceptable dans la mesure où la qualité n’est pas associée à la lourdeur de la clientèle hébergée.

Notre analyse de la valeur a également permis de mettre en évidence qu’un meilleur niveau de ressources financières n’est pas synonyme d’une plus grande valeur ajoutée pour les résidents en CHSLD en termes d’arrimage aux besoins, de soins axés sur les personnes, de continuité ou de sécurité. Certains RTS se distinguent toutefois favorablement et réussissent à optimiser leurs ressources et être créateurs de valeur à plusieurs égards. Il conviendrait assurément de s’en inspirer.

C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’à la suite de la publication de ce rapport provincial, des rapports individualisés par RTS seront produits afin d’explorer plus en détail les perspectives d’amélioration des soins et services en CHSLD et de mobiliser l’action à l’échelle territoriale et locale.

Finalement, dans le contexte de la promulgation récente par le gouvernement du Québec du Plan pour mettre en œuvre les changements nécessaires en santé (MSSS, 2022a) et du Plan d’action pour l’hébergement de longue durée 2021-2026 (MSSS, 2022b), le CSBE invite les décideurs et les différents intervenants en soins de longue durée du Québec à prendre en compte les résultats de cette évaluation afin de cibler efficacement leurs efforts d’amélioration de l’organisation des soins et services en hébergement. Les ainés d’aujourd’hui et de demain méritent des soins et des services plus performants.

Annexes et bibliographie

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Crédits

Rédaction

Ariane Dubé-Linteau Marie-Ève Brouard

Soutien scientifique

Isabelle Aumont Marik Danvoye Bernard Saucier

Soutien technique

Anamaria Ramirez Llanos

Coordination scientifique

Geneviève Ste-Marie

Sous la direction de

Denis Roy, Commissaire adjoint à l’évaluation

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